Les vieux beaux

Le dimanche matin, pour se rendre à la boulangerie, il s'endimanche comme pour la messe. Mais ce n'est pas Dieu qu'il souhait rencontrer, sauf s'il peut lui faire don de l'immortalité.

Il a coiffé longtemps ces quelques cheveux, qu'il a teinté, noir corbeau ou bond platine. Il a coiffé à l'arrière ces quelques cheveux, en s'appliquant sur l'ourlet de devant, pour dégager son large front. évidemment, ce n'est plus comme avant, lorsque ces cheveux étaient abondants mais en prenant le temps, il arrive tout de même à se coiffer joliment et il se félicite de n'avoir pas à recourir à une moumoute. Mais il serait près à le faire. Tout plutôt qu'être dégarni.

Il a ensuite reveti son jean tout propre sur lequel on aperçoit encore les plis du repassage. Le jean, ça fait jeune et lui il sait bien que le tergal ne se porte plus. Dans le temps, il portait de jolis pantalons à pince et le veston bien sûr. Maintenant, on se promène en bras de chemine. Alors il fait comment tout le monde.

Et puis c'est l'été, ou presque. Alors il met ses lunettes noires, grandes, larges, comme celles portées par Lord Saint Clair dans « Amicalement Votre ». Les lunettes noires, c'est indispensable pour compléter son bronzage. Il sait bien que le soleil c'est pas bon pour sa peau mais le bronzage cache les imperfections de son épiderme et puis un bel homme, un séducteur ça se doit d'être bronzé.

Ainsi paré il imagine qu'il a rendez vous avec l'amour. Il va chercher son journal habillé comme pour un rencard, comme si, malgré son âge, tout était encore possible. Tous les dimanches matins, il espère encore que l'aventure sera là au coin de la rue et il est prêt, pour la vivre, encore et toujours.

C'est ça un vieux beau et s'il parait désuet, ridiculement fardé, il émane de lui, aussi, quelque chose de naif, de pathétique et de touchant.